Dans cet enregistrement, le cheikh Adnan Ibrahim nous met en garde contre le danger d'associer d'autres divinités à Dieu dans l'adoration. Or, l'homme n'associe pas de plus grande divinité, à Dieu, dans l'adoration que son propre ego. C'est pour cela qu'il importe de veiller à purifier ses actes de toute ostentation et de toute recherche vaine de satisfaire autre que Dieu. Cet état spirituel ne devient possible que dans la proximité de Dieu.
Le cheikh Adnan Ibrahim est à la fois un intellectuel et un imam dont la spécificité tient à une articulation réussie d'un savoir encyclopédique en sciences islamiques et d'une connaissance fine de productions intellectuelles occidentales. Bien qu'il s'adresse prioritairement à un public résidant dans des pays musulmans, sa pensée est d'un grand renfort pour les débats occupant les musulmans vivant en Occident.
mardi 10 avril 2012
La purification de l'âme
lundi 9 avril 2012
Ce qu'en disent les savants
- L’honorable savant, le docteur Muhammad Sa‘îd Ramadân al- Bûtî, que Dieu le garde, a dit :
« En Autriche et en Allemagne, je suis fier de
cet homme qui défend l’islam. Il soumet les cultures et les connaissances et
fait d’elles des soldats de Dieu et des preuves évidentes de la vérité avec
laquelle Dieu a envoyé les Prophètes et les Messagers. Pour être honnête, je
n’ai jamais rencontré avant aujourd’hui, malgré mes nombreuses visites des pays
européens, un islam pareil à celui que Dieu a prodigué à ce pays. Comme cheikh
Adnane l’a dit dans son discours, la science seule ne compte pas pour moi - car
nombreux sont les savants - tant qu’elle n’est pas couronnée de sérénité,
d’humilité et de sincérité envers Dieu. Que ce soit en Europe ou dans le monde
Arabe, je n’ai rencontrée une telle érudition chez aucune personne d’un âge
semblable, un savant encyclopédique. Cela dit, ce qui a le plus empli mon cœur
d’estime pour lui, c’est son altruisme… »
« … Lorsque j’ai eu l’honneur de visiter les
frères il y a deux ans, je me suis réjoui de la situation des musulmans, notamment
ceux vivant en Occident tant qu’ils ont parmi eux des personnalités telles que cheikh
Adnane. Dieu l’a doté d’une multitude de connaissances qu’il a toutes utilisées
pour la religion de Dieu. Je rends grâce à Dieu pour cela, et pour avoir gratifié
les gens de ce pays du cheikh Adnan pour les guider vers Dieu … »
« … J’ai toujours dit que celui qui appelle à
Dieu porte un lourd fardeau qu’il lui incombe d’accepter, car tel est son destin,
telle est la volonté de Dieu. Mais je me demandais s’il existait une personne
pareille, réunissant un tel niveau de culture pour stimuler la prédication de
la plus belle des manières. Je cherchais vainement, jusqu’à ce que je rencontre
une personne réunissant ces qualités il y a deux ans. Ce qui fait chaud au cœur
est que le cheikh Adnan a mobilisé toutes ces connaissances dont Dieu l’a gratifié
au service de la religion de Dieu. Il est des gens possédant de grandes
connaissances en Astronomie, en Histoire, en Histoire des sciences naturelles,
en Zoologie, en Ingénierie, mais ils ont dévié de la voie idéale et emprunté divers
chemins, induits en erreur par leurs différentes connaissances…».
- L’écrivain et historien égyptien ‘abd al- ‘Azîm Ramadân, que Dieu lui fasse miséricorde, a dit dans la revue Octobre, n° 1510, Octobre 2005 :
« … Mais j’ai fini par être séduit par la
logique caractérisant le discours offert par le cheikh Adnan à son audience à
la mosquée al- Shûrâ. J’ai relevé chez ce monsieur de la circonspection et une
logique islamique authentique. Il se met, avec toutes ses facultés et tout ce
que Dieu lui a prodigué comme science, du côté de la vérité et contre l’intolérance.
Il n’était pas un simple prédicateur, mais un vrai savant, versé en sciences
islamiques. En outre, il est d’un savoir encyclopédique : il traite, en
effet, d’histoire comme il traite de religion ou de politique ! J’ai trouvé
en cheikh Adnane une lanterne qui éclaire pour ses auditeurs la voie de la vérité
et de la justice et qui les éloigne de l’égarement de la calomnie et du
fourvoiement… »
« C’est pour cela que j’ai trouvé nécessaire de
rendre hommage, dans cet article, à un éminent savant que j’ai écouté à Vienne,
le cheikh Adnan Ibrahim. J’espère que ses prêches seraient diffusés en Egypte
et dans le monde musulman »
- Le docteur Muhammad Munîr Sa‘d al- Dîn, président du centre scientifique de développement de la recherche et des études au Liban :
« … Les caractéristiques singulières qui vous caractérisent,
à savoir l’objectivité dans le jugement et vos prises de position du côté de la
vérité traduisent l’authenticité de vos sentiments et de votre pensée… votre intégrité,
votre confiance en vos capacités et votre conviction en ce que vous dites…
l’improvisation qui donne l’impression d’une préparation préalable de toute
intervention et la maîtrise complète de tous les points qu’il aborde…».
- D'autres savants et prédicateurs ont dit des choses semblables, tels qu'al-Muqri' al-Idrîssî, Târiq al-Suwaydân, Hasan ben Farhân al-Mâlikî...
A la recherche du bonheur
Au Nom de Dieu, le
Miséricordieux, le Tout-Miséricordieux. Louange à Dieu, et prière et
salutations sur notre Prophète Muhammad sws.
Chers frères, chères
sœurs ! S’adressant à Adam et à Eve, Dieu dit dans la sourate Taha « Qu’il
ne vous fasse pas sortir du Paradis car tu serais malheureux » (Coran,
Tâ- Hâ : 117). A l’opposé du malheur, il y a le bonheur. Le Coran a fait
mention de cette opposition dans d’autres versets: « Certains hommes
seront réprouvés, d’autres bienheureux » (Coran, Hûd :
106) ; « Pour ce qui est des réprouvés (…) Et quant aux
bienheureux… » (Coran, Hûd : 108).
Le Coran emploie un mot
précis comme antonyme du bonheur. Ce n’est pas l’affliction, ni la misère, ni
le désespoir, mais un seul terme qui recouvre toutes ces acceptions : à
savoir le malheur.
C’est pour cela que ce
terme est revenu souvent dans la bouche du Prophète sws. Ainsi, dit-il :
« Œuvrez, à chacun sera facilitée
l’œuvre pour laquelle il a été créé (…). Celui qui fait partie des gens du
bonheur accomplira les œuvres des gens du bonheur, et celui qui fait partie des
damnés commettra les œuvres des gens du malheur »[1].
Il dit aussi : « Il est un
bonheur pour l’homme que de faire la prière de la consultation et d’accepter ce
que Dieu lui a prédestiné. C’est un malheur pour l’homme que de délaisser la
prière de la consultation et de refuser ce que Dieu lui a prédestiné »[2].
Et selon Jâbir, le Prophète sws a dit : « Il est un bonheur pour l’homme que d’avoir une longue vie et d’être
guidé par Dieu vers le repentir »[3].
Il dit par ailleurs: « Il est
trois choses qui font partie du bonheur, et trois choses qui font partie du
malheur »[4].
La religion nous
enseigne que le champ sémantique du terme bonheur est large et renvoie autant
aux plaisirs matériels permis qu’aux plaisirs et joies psychiques et
spirituels. « Dis: «De la grâce de Dieu et de Sa miséricorde, c’est de
cela qu’ils doivent devraient se réjouir. Ceci est bien meilleur que tout
ce qu’ils amassent » (Coran, Yûnus : 58). Aussi, le Prophète sws
a dit que le jeûneur a deux joies comme rapporté par al-Bukhârî et Muslim. De
par Sa justice et Son équité, Dieu a fait de la satisfaction et de la certitude
une source de bonheur et de vie, et a fait de l’insatisfaction et du doute une
source de soucis et de malheur »[5].
C’est ainsi que nous
pouvons appréhender le caractère spirituel du bonheur. Etre heureux signifie
donc être un serviteur reconnaissant, et non pas quelqu’un d’ingrat envers les
bienfaits de Dieu. Car ne pas ressentir les dons que Dieu nous a accordés et
n’y éprouver aucun bonheur constitue une ingratitude.
Le bonheur est donc une
attitude et un état d’esprit qui renseignent sur le degré de perfection de la
foi et de maturité de la spiritualité. Dans une invocation prophétique, le
serviteur dit à son Seigneur : « Je reconnais les bienfaits dont Tu m'as gratifiés, et je reconnais mes
péchés ». En faisant cette invocation, le musulman reconnaît ne pas être digne de ces
larges dons, et admet ne les recevoir que par pure faveur du Donateur et
Généreux.
Malgré la grande
difficulté que nous éprouvons à définir le bonheur, je soutiens que chacun
d’entre nous en a une connaissance globale. Car quiconque en est privé peut
affirmer qu’il n’est pas heureux, quand bien même il serait incapable de dire
comment et par quels moyens il pourrait être heureux.
Le besoin de bonheur
n’est pas un besoin accessoire ou de divertissement, mais un besoin vital.
Aristote considérait le bonheur comme étant l’essence de la vie, le bien
suprême qu’il appela Eudaimonia. Il avançait que les humains aspiraient
au bonheur. Même ceux qui ambitionnent le pouvoir, l’autorité et la mainmise -
en recourant à la torture et à la cruauté-, aspirent en vérité au bonheur, mais
ils échouent dans leur quête du bon chemin qui y mène.
C’est le cas par
exemple de Napoléon. Après toutes les batailles sanglantes, les guerres
acharnées et les expansions, il nous apprend que, même s’il ne s’en rendait pas
compte dès le début, il aspirait au bonheur, et affirme avec douleur qu’il n’a
pas goûté au bonheur un seul instant.
Comme vous le savez, il
y a des milliers de traitements contre la calvitie. Mais, en même temps, il y a
cent-vingt-mille traitements pour soigner la dépression. A cet égard, la
majorité des gens font une erreur - commise auparavant par Sigmund Freud (1856
– 1939) - en prétendant que le bonheur et le malheur sont deux sentiments que
l’on peut représenter par une seule ligne limitée à ses deux extrémités :
moins on est malheureux, plus on devient heureux, et l’inverse. Cette théorie
s’est avérée inexacte car, en vérité, à chaque fois que l’on devient moins
malheureux, on est certes moins malheureux mais pas nécessairement plus
heureux. Le bonheur est donc un terme différent dans l’équation.
Le bonheur est une
expérience positive qui nous rend profonds, qui rend notre sourire plus large
et notre joie plus authentique. Il élargit notre horizon, stimule notre
créativité, augmente notre confiance. Il nous aide à mieux nous ouvrir à la
vie, nous rend plus sociables et plus épanouis. Il est connu que l’enfant rit
trois cents fois au moins par jour, alors que les adultes rient en moyenne une
vingtaine de fois.
Sigmund Freud était
quelqu’un de désespéré et de pessimiste. Concernant le sujet qui nous préoccupe,
il considérait que la recherche du bonheur était une entreprise vouée à
l’échec, motivée par le principe du plaisir, reliquat de l’enfance continuant à
habiter l’être, ne pouvant jamais se réaliser dans la réalité. Il disait :
« On est tenté d’affirmer que l’idée selon laquelle l’homme est appelé à
être heureux n’est pas incluse dans les plans de la création ». C’est pour cela qu’il reconnaissait
que le but de la psychanalyse était de maintenir la « misère
ordinaire ».
Le bonheur est-il à la
fois si important, caché et difficile ? C’est peut-être pour cette raison
que les philosophes, les intellectuels, les écrivains, les poètes, les
religions - qu’elles soient monothéistes ou non- et la psychologie se sont intéressés
et ont traité de la question du bonheur.
La
poétesse irakienne Nâzik al-Malâ’ika a dit :
Nous
cherchâmes le Bonheur mais…
Ne
trouvâmes point sa caverne envoutée
A jamais nous demandons aux nuits de ses
nouvelles….
Alors qu’il
est le secret de la vie et le mystère des temps
Aujourd’hui, il y a
toute une discipline appelée nouvelle science du bonheur dont les
recherches aboutissent à des résultats très intéressants. William James (1842 –
1910), l’un des fondateurs de la psychologie expérimentale et l’un des trois
piliers du pragmatisme, dit : « L’essence de toute religion et de toute
éthique consiste à savoir quel regard nous jetons et quel rapport nous
entretenons avec l’existence et la vie».
Mais qu’est-ce qui
domine aujourd’hui, le bonheur ou le malheur ? Aux USA, les dernières
statistiques rapportent que le nombre de suicides dépasse le nombre le nombre d’assassinats.
Selon l’OMS, la dépression constituera en 2020 la deuxième cause, après les
maladies cardiovasculaires, des « années perdues en incapacité de
travail ».
Pour vous épargner le
suspens, je vous donne le mot de la fin : Le bonheur est dans la foi. Mais
je parle ici du vrai sens de la foi. Non pas la foi théorique des livres, des
prêches, des rites, mais la foi de l’expérience, la foi du droit chemin dont
les étapes sont perpétuellement parcourues. Dieu swt dit dans le saint
Coran : « Si vous recevez de Moi une guidance, celui qui s’y
conformera ne s’égarera pas et ne sera point réprouvé » (Coran, Tâ-
Hâ : 123). Ce verset est une promesse de bonheur ! Dieu swt dit au
début de cette sourate : « Nous ne t’avons pas révélé le Coran
pour que tu sois malheureux » (Coran, Tâ- Hâ : 1).
Les savants évoquent
certaines causes spécifiques à même d’expliquer notre malheur. Nous serions
très sensibles aux côtés négatifs et aigres de la vie. D’un point de vue
sensitif, nous apprécions le sucré d’un aliment même s’il n’y est présent qu’à
un dosage de1/200, tandis que nous
goûtons l’aigre même s’il n’est présent qu’à hauteur de 1/2.000.000. Aussi,
sommes-nous beaucoup plus affectés par nos échecs que par nos réussites.
L’un des savants,
spécialiste dans la résolution des problèmes familiaux et conjugaux, soutient que
pour neutraliser une attitude négative commise par l’un des deux conjoints, il
faut fournir cinq fois plus d’efforts.
Par exemple, si le mari prononce un seul mot qui contrarie sa femme, il lui
faut cinq mots doux pour le contrebalancer et pour que l’eau coule à nouveau
sous les ponts. Une seule phrase négative nécessite cinq phrases positives etc.
Ceci montre la difficulté de rendre la vie conjugale heureuse.
Mais, par la grâce de
Dieu swt, le côté lumineux de l’histoire est que chacun d’entre nous naît muni,
non du désir de bonheur, mais du bonheur lui-même. L’homme commence donc au-dessus
de la moyenne. C’est pour cela que nous voyons que dès que l’enfant commence à
distinguer les visages, il se détourne des visages fades, vides de tout sentiment,
se tourne vers les visages radieux qui rayonnent de sentiments et réagit par
imitation : il répond immédiatement au sourire par un sourire ; puis
après dix mois par exemple, il tire sa langue si la personne lui tire la
langue. Aussi, il aime le goût sucré et répugne l’aigre.
Un autre point positif
est que nous avons la chance d’être munis d’un système appelé « Le système
d’immunité psychologique ». Par exemple : Une femme qui a épousé un
mari qui ronfle pendant son sommeil - chose qui la dérange énormément -, se
consolera en se disant qu’il a un cœur d’or. Un étudiant qui n’a pas réussi à
accéder à une université à laquelle il aspirait, réussira à intégrer une autre
pour laquelle il n’était pas enthousiaste et se dira : « Peut-être
est-ce mieux pour moi. Au moins les débouchés auxquels cette université me
prépare sont plus confortables et me permettront de disposer de plus de temps pour
ma famille ».
Ceci
nous rappelle ce sage poète qui dit en guise de consolation pour sa petite
taille
Si mes os ne sont pas
longs
Mes nobles mérites
les rallongeront
Ainsi je dépasserai
les gens de grande taille
Jusqu’à ce qu’il soit dit que je suis grand
Ainsi, tu peux changer
ton destin, non en changeant ce qui t’était prédestiné, mais en changeant ta
réaction à son égard, car, au final, ton destin est constitué de deux
parties : ce qui t’a été destiné, et ton attitude à son égard.
L’empereur et
philosophe romain Marcus Aurelius (180) disait : « Notre vie est le
produit de nos idées ».
Abû
al- Tayyib al- Mutanabbî a dit:
La peur n’est rien d'autre que
ce que l’on craint
La sécurité n’est rien d'autre que ce que l’on considère
sûr
William Shakespeare a
dit en substance que rien n’est bon en soi et rien n’est mauvais ;
rien n’est beau en soi et rien n’est laid : ce sont nos idées qui
façonnent cela. Les choses sont neutres, mais c’est nous qui leur donnons un
certain sens. Ce que dit Shakespeare est d’une profondeur qui n’est pas facile
à assimiler facilement par tout un chacun.
Dan Gilbert, un
psychologue de Harvard, a posé une question étrange : « Dans un an,
qu’est-ce qui t’aura procuré le plus de bonheur ?? Avoir gagné
quatre-cent millions d’euros, ou avoir subi un accident grave t’ayant cloué
dans une chaise roulante ? ». Il ne fait aucun doute que chacun d’entre
nous répondrait : « Avec quatre cent millions d’euros, le meilleur se
réalisera dans un an, et même dans cent ans ! ». Mais Gilbert nous
surprend en disant : « Faux ! Dans une année, celui qui a gagné
quatre cent millions d’euros et celui qui se déplace en chaise roulante auront
la même expérience du bonheur ». La raison de cela est qu'il est possible
de synthétiser le bonheur à partir des éléments et moyens disponibles s'il y a
une volonté et une conscience positive. Le bonheur est donc de nature
synthétique et émane de l'intérieur.
C'est nous même qui
détenons la capacité de projeter une sensation positive sur un évènement si
nous le voulons. Le Prophète sws n'a-t-il pas dit que Dieu swt éprouve les
gens, et que celui qui agrée cela mérite l'agrément de Dieu, tandis que celui
qui le refuse encourt le courroux de Dieu ?[6].
Combien de fois n'a-t-on pas entendu ce hadith et d'autres hadiths
semblables? La science nous permet
aujourd'hui de les appréhender sous un angle nouveau.
Un jour, le Prophète
sws rendit visite à un vieil homme abattu par la fièvre et lui dit en
guise de consolation: « Que ce soit une purification pour toi, si Dieu le
veut ». Mais le malheureux lui répondit : « C'est plutôt une
fièvre qui brûle un vieil homme, et qui finira par le jeter dans une
tombe ». Le Prophète sws ne put que répondre : « Qu'il en soit
ainsi donc ! »[7].
Il est de notoriété
publique que les savants et les médecins insistent sur le grand rôle que jouent
le bon moral et l'espoir dans la guérison des malades et le rétablissement
rapide. Dans une expérience effectuée sur des patients en période de
convalescence postopératoire, un groupe a été placé dans des chambres dont les
murs ne donnent aucune vue du monde environnant, et un autre groupe a été mis
dans des pièces offrant une vue sur un paysage pittoresque. Les résultats de
l'expérience ont montré que les patients du deuxième groupe ont guéri plus
vite. Un exemple de biophilie est donné ici, à savoir recevoir le monde avec un
esprit d’amour, de fusion et avec un sentiment de proximité et de chaleur.
Celui donc qui se
montre satisfait mérite l'agrément du Seigneur, tandis que celui qui s'en
refuse encourt le courroux divin. « Il en
est parmi les Bédouins qui considèrent ce qu’ils ont dépensé (en aumône prescrite
ou non) comme une charge onéreuse, et qui guettent vos revers de fortune. Qu’ils
en soient eux-mêmes victimes! Dieu est Audient et Omniscient » (al-
Tawba : 98). Ces bédouins donnaient l'aumône en ronchonnant et en étant renfrognés,
méritant pour cela le courroux de Dieu et le malheur, à l'inverse d'un autre
groupe de bédouins : « qui croient en Dieu et au Jour dernier et
qui considèrent ce qu’ils ont dépensé comme autant de moyens de se rapprocher
de Dieu et [d’obtenir] des invocations du Messager. Ces aumônes ne sont-elles
pas un réel un moyen de s’en rapprocher ? Dieu les fera bénéficier de Sa
miséricorde, car Il est Tout de Pardon et de Miséricorde » (al-
Tawba : 99). Ainsi, les deux groupes ont fait des dépenses, mais le
dernier groupe a gagné l'agrément du Seigneur tandis que le premier a récolté
Sa colère.
Le poète Ilya Abû Mâdî
disait :
Ô le plaignant qui ne
souffre d’aucun mal
Que feras-tu quand tu
tomberas malade ?
Il n’y a pas de pires
injustes sur terre
Que ces âmes qui
aspirent au départ avant son terme
Qui voient les épines
des fleurs et s’aveuglent
De voir les bouquets
de rosée qui se forment autour d’elles
Celui dont l’âme est
démunie de beauté
Ne perçoit aucune beauté dans ce monde
Ô toi le plaignant qui en vérité ne
souffre d’aucun mal
Sois
beau, tu t'apercevras que l'univers est beau
Lorsqu’à la fin de sa vie, ‘Abdullâh ibn ‘Abbâs
perdit la vue, il ne pesta pas contre son destin et ne considéra même pas qu’il
était atteint par une calamité. Il dit :
Si Dieu prive mes yeux de leur
lumière
Dans ma langue et mon ouïe il est
une lumière
Mon cœur est intelligent et ma
raison ne souffre d’aucune défaillance
Et dans ma bouche il
y a un tranchant aussi affilé qu’une épée
Pareillement, Bashshâr
ibn Burd, ce poète aveugle, a écrit deux vers magnifiques dans lesquels il
dit :
Fœtus, je fus déjà
aveugle
Mon intelligence
naquit de ma cécité
La lumière de mes
yeux fléchit pour me nourrir de science
Mon cœur la récolte quand les gens la perdent
Un jour, un persifleur le taxa
d'aveugle, Bashshâr lui répondit en disant :
Les ennemis me
dénigrent alors qu'en vérité ce sont eux les tarés
Il n’est point de honte qu’on me taxe d’aveugle
Quand l’homme observe
la bravoure et la piété
Il n’est plus aveugle
même s’il perd la vue des yeux
Je trouve en la cécité récompense, provision et
préservation
Or combien n’ai-je
pas besoin de ces trois choses
C’est
de cette manière que fonctionne le système psychologique immunitaire. Il
réinterprète la catastrophe et la formule en bienfait, comme le dit ce poète
connaisseur de Dieu :
Dieu peut faire don
d’épreuves quand bien même elles sont grandes
Et Il éprouve certaines personnes en les gratifiant
de faveurs
En usant de la même
logique, nous réinterprétons le noble verset : « Le combat vous a
été prescrit alors qu’il vous est désagréable. Or, il se peut que vous ayez de
l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien. Et il se peut que
vous aimiez une chose alors qu’elle vous est mauvaise. C’est Dieu qui sait,
alors que vous ne savez pas » (Coran, al- Baqara : 216).
J'ai dit une fois dans
le cours d'exégèse qu’il est très dangereux d’avoir une confiance totale en soi-même,
que l'on soit un individu ou un groupe. C'est une promesse de calamités s'abattant
sur les autres, voire sur soi-même. Être empreint de ce type de confiance, c'est être convaincu que tout est ficelé d’une façon si parfaite qu’aucune
probabilité d'erreur ne peut être envisagée. De ce type de confiance résulte que parfois les gens s'entretuent, brisent leurs familles, abandonnent les
êtres qui leur sont les plus chers, et prennent des décisions qui, après coup,
s'avèrent folles et égoïstes. Le croyant fort est humble. Le secret de sa force
réside dans son sentiment d'être faible et d’avoir constamment besoin de la
guidance de Dieu. D'où les invocations, la prière de consultation et la
consultation des autres. Le musulman sait que le bien peut être caché, flou ou
se confondre avec le mal, Dieu swt dit :
« Et si Dieu hâtait le malheur des gens avec autant de hâte
qu’ils cherchent le bonheur, le terme de leur vie aurait été décrété »
(Coran, Yûnus : 11).
« Si vous avez de
l’aversion envers elles durant la vie commune, il se peut que vous ayez de
l’aversion pour une chose alors que Dieu aura placé en elle un bien
considérable » (Coran, al- Nisâ' : 19).
Dieu swt nous apprend à
ne pas toujours nous contenter de notre raison et de nos calculs. En effet, nos
calculs sont régis par l’équation du hollandais Daniel Bernoulli (1700 ـ 1782), selon
laquelle : la valeur attendue est égale au produit de (la probabilité de
l’évènement) et de (la valeur de l’évènement). Cette équation est pertinente à
bien des égards :
Prenons un jeu de pile
ou face. Quand on tombe sur « pile », on gagne 10 €. L’avis de la
religion sur le sujet mis à part, miseras-tu 4 € pour jouer ? Selon
l’équation de Bernoulli, la probabilité de gain est de ½, tandis que la valeur
du gain est de 10 €. La valeur attendue est donc de 5€. Puisque la mise n’est
que de 4 €, de toute évidence tu joueras !
D’aucuns prétendent
préférer ce bas monde à l’au-delà, la vie étant une chose garantie et
disponible ici et maintenant, tandis que pour l’au-delà, on ne sait
jamais ! Mais en nous inspirant de l’équation de Bernoulli, nous pouvons questionner
la valeur du confort matériel. Multiplions la valeur du gain, par exemple une
voiture qui coûterait un million d’euros, par la probabilité du gain qu’on
estimera à 100%. La valeur attendue est donc une voiture qui coûte un million
d’euros. A l’inverse, quelle est la valeur attendue de l’au-delà ? Disons
que la probabilité d’existence de l’au-delà est de 50%, qu’on multipliera par
la valeur du gain, à savoir un Paradis éternel. D’un point de vue mathématique
et selon Bernoulli, la valeur attendue ne peut être fixée en se basant
seulement sur la probabilité de l’évènement, sa valeur doit être prise en
compte, et il s’agit ici d’un Paradis d’une valeur infinie.
En outre, on a
mentionné que les systèmes biologiques humains fonctionnaient de manière
fragmentée, et parfois antagoniste. Par exemple, nos gènes n’ont que faire de notre
bonheur ou de notre malheur, ce qui leur importe est de se transmettre à la
génération suivante. C’est pour cela qu’ils nous mènent à goûter au plaisir,
à l’amour, et enfin à une relation durable à travers le mariage. Le problème est
que ces trois éléments ne fonctionnent pas toujours de manière harmonieuse,
dans le sens où il est possible que certains aiment rester époux d’unetelle afin
d’avoir des enfants légitimes avec elle, mais préfèrent en même temps assouvir leur
désir avec une autre, et vivre de manière romantique avec une troisième. Je
suis sûr que celui qui a proposé cette théorie s’est inspiré de Demosthenes
(388 – 322 Av. JC) qui a dit : « Nous prenons des prostituées pour
assouvir notre appétit sexuel, des maitresses pour préserver notre corps, et
des épouses pour nous donner des enfants légitimes ».
Du reste, l’expérience
montre que lorsque l’homme choisit quelque chose et qu’il parvient à la posséder,
l’évaluation qu’il en fait change. On serait tenté de dire : Cela est
normal et participe du fonctionnement du système immunitaire psychologique. Mais
les choses sont plus profondes que cela. En quoi ?
Dans une expérience
classique en psychologique, qui date d’une cinquantaine d’années, il est
demandé aux participants de classer des tableaux par ordre décroissant de
beauté. Puis, il leur est annoncé qu’ils ont droit à un tableau comme cadeau,
qu’ils le recevront par la poste, mais que seuls les troisième et quatrième
tableaux - selon le classement qu’ils ont fait- sont disponibles en stock. La
plupart des participants choisissent le troisième tableau. Après cela, ils sont
séparés en deux groupes : il est dit au premier groupe : « Une
fois votre choix fait, vous n’aurez plus la possibilité de changer
d’avis ». Au deuxième groupe, il sera dit : « Vous avez quatre
jours pour éventuellement changer d’avis et choisir un autre tableau ».
Après cela, il est demandé aux deux groupes de réévaluer les six tableaux
originaux. Les résultats de l’expérience montrent un changement de l’évaluation
effectuée par le premier groupe : le troisième tableau redevient leur préféré,
tandis que rien ne change pour le deuxième groupe. En fait, le système motivant
la production de ce qu’on appelle le bonheur créé n’a pas été
activé dans le cas du deuxième groupe, car les participants n’ont pas encore fait
leur choix.
Il y a quelques années,
Daniel Gilbert réalisa cette expérience sur un groupe de patients souffrant
d’amnésie antérograde. Gilbert demanda à ces patients de classer les tableaux,
ce qu’ils firent, puis il leur dit qu’ils avaient droit au troisième ou au quatrième
tableau et il les remercia en disant qu’ils recevraient le tableau qu’ils avaient
choisi par voie postale. Les expérimentateurs quittèrent la pièce avec leur
matériel. Dix minutes plus tard, ils revenaient dans la pièce d’expérimentation
et, discutant avec les patients, ils remarquaient que ces derniers ne se
rappelaient de rien du tout. L’expérience fut reconduite une deuxième fois, et
ce qui fut surprenant, voire choquant, c’est que le tableau qu’ils avaient
choisi dans la première expérience pour qu’il leur soit envoyé, fut mis à la
tête des choix dans le nouveau classement. Ceci signifie que les patients n’ont
pas consciemment décidé de changer leur évaluation. Ce qui s’est produit est ce
qu’on appelle une réaction affective esthétique.
Cela ne confirme-t-il
pas que le croyant est capable de voir le bien dans toute chose qui lui
arrive ? Et ce, en voyant sous un angle spécifique, denrée rare sauf chez
les croyants, conformément à la parole prophétique : « Etonnant
vraiment est le cas du croyant ! Tout ce qui lui advient est bénéfique et
seul le croyant a ce privilège : quand un bonheur lui arrive, il rend
grâce et ceci est un bien pour lui ; et quand un malheur le frappe, il
s’arme de patience et c'est aussi un bien pour lui »[8] ?
[1] Rapporté par Muslim.
[2] Recensé dans le Musnad d’al-
Bazzâr.
[3] Dans le Musnad d’al- Bazzâr, et
al-Mustadrak d’al-Hâkim,
[4] Rapporté par al-Hâkim
entre autres.
[5]
Rapporté par al- Bayhaqî
dans al- Shu‘ab, al- Tabarânî dans al- Kabîr, al-Hakîm al-
Tirmidhî, et Abû Nu‘aym dans al- Hilya.
[7] Rapporté par al- Bukhârî dans
al- Adab al- Mufrad d'aprés Ibn 'Abbâs.
[8] Rapporté par Ahmad, Muslim, al-
Dârimî et Ibn Hibbân d’après Suhayb.
Présentation du Cheikh Adnan Ibrahim
Le cheikh Adnan Ibrahim Abû Muhammad est né
au camp al-Nusayrât, dans la bande de Gaza en 1966 où il suivit ses études
primaires et secondaires avant de partir en Yougoslavie poursuivre des études
de médecine. Cependant, le climat de guerre le poussa à quitter ce pays pour
Vienne au début des années quatre-vingt-dix, où il poursuivit ses études de
médecine à l’université de médecine de Vienne tout en suivant des études en
théologie à la faculté al-imâm al-Awzâ‘î au Liban, dont il fut lauréat avec la mention
« Très honorable ».
Le cheikh Adnan a terminé l’apprentissage du Coran
très jeune, de même que l’étude de nombreux grands ouvrages de théologie. Dés
sa petite enfance, il développa un grand intérêt pour la lecture, aidé par une
grande capacité d’apprentissage tant en ce qui concerne le domaine religieux que
scientifique, ce qui lui alloua une clairvoyance et un esprit ouvert. Il opta
pour une approche du juste milieu dont il ne dévia guère par la suite.
Dés sa prime jeunesse, le cheikh Adnan a écrit de
nombreux livres, mais il refusa de les publier par modestie. Il s’abstint par
la suite de tout travail d’écriture jusqu’à nos jours malgré l’insistance d’éminents
savants et intellectuels. Le cheikh Muhammad Sa‘îd Ramadân al-Bûtî par exemple témoigna
qu’il n’a jamais vu de sa vie pareil à cheikh Adnan, et qu’il n’a cessé
d’insister sur la nécessité d’avoir des savants encyclopédiques. Toutefois, le
cheikh al-Bûtî considérait cela comme théorique, jusqu’à ce qu’il rencontre le
cheikh Adnane dans lequel il trouva un exemple vivant de ce qu’il prônait.
Après avoir lu une retranscription d’une conférence traitant
de la problématique du temps, le docteur ‘Abdulwahhâb al-Masîrî a confirmé que le
cheikh Adnan est celui qui a traité le mieux la question de la crise des
sciences naturelles au 20 ème siècle. Monsieur al-Masîrî déclara que,
depuis vingt ans, il ne trouvait personne dont il estimait la contribution à ce
sujet satisfaisante.
Après avoir écouté une conférence du cheikh Adnan
traitant du génie et de la folie, le psychologue égyptien, le Professeur Adnan
al-Bîh a confirmé qu’après avoir animé plusieurs conférences traitant de
psychanalyse et assisté à plus de 7000 conférences, il n’a jamais fait
connaissance d’une approche aussi pertinente.
En 1995, le cheikh Adnan a obtenu le premier titre au
concours européen de psalmodie du Saint Coran, le cheikh Alî Basfar faisait
partie des membres du Jury.
Le cheikh Adnan a participé à de nombreux colloques
et symposiums dans différents pays et a rencontré de grands savants qui
témoignèrent de sa distinction, tels le cheikh al-Tayyib al-Misrâtî, Dr. Ahmad
‘Alî al-Imâm, M. Isâm al-‘Attâr, Dr. al-Muqri’ al- Idrîsî Abû Zayd et Dr.
Abdelilah Ben kirane, outre les savants cités précédemment et de nombreux
intellectuels occidentaux qui l’ont rencontré et débattu avec lui.
En 2000, le cheikh Adnan et ses frères ont fondé l’association
« Rencontre des Civilisations » qu’il préside depuis, c’est de cette
association qu’émergea la mosquée al-Shûrâ où le cheikh donne ses prêches et
enseigne.
Le cheikh Adnan est marié à une dame palestinienne
et est père de sept enfants – cinq filles et deux garçons- Il est enseignant à
l’Académie islamique à Vienne.
Libellés :
Présentation du cheikh Adnan Ibrahim
jeudi 5 avril 2012
Sunnites et chiites, des frères
L’humilité préservera le monde
Au Nom de Dieu, le Miséricordieux, le Tout-Miséricordieux. Louange à Dieu, et prière et salutations sur notre Prophète Muhammad. Mesdames et messieurs, chères sœurs, chers frères, que la salutation, la grâce et les bénédictions de Dieu soient sur vous.
Il m’a été demandé de choisir un titre pour cette conférence. Or, il se trouve que j’ai lu, au début de L’idiot- fameux roman de l’écrivain russe Fiodor Dostoievski (1821 – 1881) -, un passage où il dit : « La beauté préservera le monde ». Cette phrase m’a beaucoup plu, mais j’ai préféré la modifier en choisissant comme titre : « L’humilité préservera le monde ». Mais, pourquoi ai-je choisi d’employer le terme humilité au lieu de celui de beauté, vérité, bien, foi religieuse - soit-elle ou non ? La réponse est qu’à mon avis, ces nobles vertus, quand elles sont démunies d’humilité, peuvent se transformer en désastre.
L’Histoire témoigne que, lorsque la foi s’accompagne de fanatisme, elle peut se transformer en désastre, en tuerie, voire mener au suicide. L’Histoire des religions le confirme. La beauté sans humilité peut devenir arrogance. La vérité sans humilité peut aboutir, en fin de compte, à un dogmatisme rétrograde, et ainsi de suite. Mais que représente l’humilité ? Elle constitue la voie du salut en toute circonstance. La première caractéristique de l’humilité est qu’elle est profondément humaine. Rien ne convient mieux à l’homme que l’humilité, cette vertu que Dieu enseigna à notre Prophète lorsqu’Il lui demanda de dire aux mécréants : « C’est nous ou bien vous qui sommes sur une bonne voie, ou dans un égarement manifeste». [Coran, Saba’: 24]. La question est donc ouverte à un débat où chaque partie présenterait ses arguments.
Selon ce verset, il est une partie qui est sur la voie de la vérité, et une partie qui ne l’est pas. Comment faire pour opérer le bon choix? À travers le dialogue. C’est pour cela que l’humilité nous permet d’abandonner, ou tout au moins de diminuer, le prosélytisme qui affecte les fidèles de toutes les religions. Il existe certainement des religions non prosélytes, telles que l’hindouisme. Par contre, l’islam, le christianisme et le judaïsme, et même le bouddhisme, sont des religions prosélytes.
L’humilité nous incite à nous défaire de tout esprit de prosélytisme parce que ce dernier est, dans une large mesure, de nature arrogante et fanatique. C’est pour cela qu’au lieu de dire : « Voici ce que je peux présenter au monde », il faut plutôt se demander : « Qu’attend le monde de moi ?». Il y a une grande différence entre les deux approches : lorsque je me demande ce qu’attend le monde de moi, cela m’oblige, illico presto, à m’intégrer dans ce monde, à le comprendre, et à faire preuve d’empathie.
Dans Une défense de la poésie, le poète britannique Percy Shelley dit : « Pour que l’homme soit grand, il faut qu’il essaie de vivre l’expérience de l’autre, de manière à ce qu’il fasse siennes les joies et peines de l’autre». Bien évidemment, cette logique serait incompréhensible pour celui qui est imprégné de l’esprit missionnaire. Pour ce dernier, la question est simple, il n’a pas besoin de connaître le monde, de l’écouter et de s’y intégrer. Il a la formule pour sauver le monde. Ceci peut conduire au désastre si ce missionnaire parvient à une suprématie matérielle.
Dans le saint Coran, il y a un verset remarquable dans la sourate « Les femmes » auquel on n’accorde pas suffisamment d’attention, même du côté des musulmans malheureusement, parce qu’il va à l’encontre de la logique et de l’esprit communs. Ce verset dit : « Ceci ne dépend ni de vos désirs ni des désirs des gens du Livre, quiconque fait un mal sera rétribué pour cela, et ne trouvera en sa faveur, hors de Dieu, ni allié ni secoureur » (Coran, al-Nisâ’ : 123). Ce qui importe, ce n’est pas de se définir comme juif, chrétien ou musulman monothéistes. Comme vous le savez, le judaïsme, le christianisme et l’islam constituent les trois religions monothéistes. Mais Dieu dit non ! Ce n’est pas l’identification à telle ou telle religion qui compte, car cela ne sera d’aucune utilité à celui qui fait du mal. En effet, Dieu dit que le fait de venir en affichant une telle identification ne vaut rien pour Lui.
Dieu dit dans le verset suivant : « Et quiconque, homme ou femme, fait de bonnes œuvres, tout en étant croyant... les voilà ceux qui entreront au Paradis; et on ne leur fera aucune injustice, fût-ce d’un creux de noyau de datte » (Coran, al-Nisâ’ : 124). Que tu sois juif, chrétien ou musulman, si tu es soumis au Créateur, monothéiste et que tu accomplis les bonnes œuvres, nulle crainte sur toi de subir une quelconque injustice. Les fanatiques juifs, musulmans ou chrétiens ne comprendront pas cette logique. Seuls la comprendront ceux qui ont saisi l’esprit et l’essence de la religion, cette religion divine venue du Ciel. Quant à celui qui croit qu’il a mis la main sur la vérité absolue à travers son interprétation du texte divin, tout dialogue avec lui sera difficile. C’est un homme qui a un tempérament différent de celui que nous voulons éveiller dans notre culture, et, espérons-le, dans la culture universelle.
Dans son fameux roman Nathan le sage, l’écrivain d’origine juive Gotthold Ephraim Lessing (1729 – 1781) raconte l’histoire des trois bagues. A la fin de l’histoire, un juge fait comprendre aux gens que la bague qui a le plus de valeur sera à juste titre attribuée à celui qui est le plus aimable et le plus aimé des gens, celui qui fait preuve du plus de bonté, de sympathie, d’aide et de présence envers les autres. Dans ce roman se trouve une belle illustration des versets de la sourate « al-Nisâ’» : « Ceci ne dépend ni de vos désirs ni des désirs des gens du Livre, quiconque fait un mal sera rétribué pour cela, et ne trouvera en sa faveur, hors de Dieu, ni allié ni secoureur. Et quiconque, homme ou femme, fait de bonnes œuvres, tout en étant croyant... les voilà ceux qui entreront au Paradis; et on ne leur fera aucune injustice, fût-ce d’un creux de noyau de datte ». Ceci est la meilleure interprétation littéraire de ce verset. Nathan le sage est une interprétation qui dépasse les commentaires des savants musulmans de ces versets, même ceux émanant des exégètes spécialisés.
Après chaque prière, le Prophète Muhammad avait l’habitude de dire comme invocation : « Ô Seigneur ! Je témoigne que (…) les hommes sont tous des frères ». En disant cela, le Prophète témoignait devant sa communauté qu’il avait comme principe de considérer tous les êtres humains comme des frères. Le corollaire immédiat découlant de ce principe est qu’il est du droit de chacun de jouir en paix de la liberté de conscience, quelle que soit sa religion.
Il y a un verset admirable de la sourate « Le pèlerinage » que j’appelle « Le verset de la reconnaissance religieuse » : « Certes, ceux qui ont cru, les Juifs, les Sabéens [les adorateurs des étoiles], les Nazaréens, les Mages et ceux qui donnent à Dieu des associés, Dieu tranchera entre eux le jour du Jugement, car Dieu est certes témoin de toute chose ». (Coran, al- Hajj : 17). Ce verset se distingue des deux versets proches, cités dans les sourates al-Baqara et al-Nisâ’, en ce sens qu’il inclut les polythéistes. Traitant de la question de « qui a le droit de faire partie de la société où l’autorité suprême est islamique ? », ce verset indique que toutes ces croyances y ont droit de cité, et que c’est Dieu qui tranchera entre elles le jour de la Résurrection. Le jugement n’aura pas lieu dans ce bas monde, on ne peut juger les gens dans ce bas monde ! Je le répète donc, l’humilité nous apprend à essayer d’approcher l’autre, de le comprendre au lieu de le juger, car le jugement que l’on porte sur l’autre peut constituer parfois un péché. Comme dit Saint Augustin dans La cité de Dieu : « Juger les autres depuis notre position est un péché ». Lorsque je juge les autres à partir d’une position de force, parce que je détiens le pouvoir et l’autorité, je commets un péché. Jésus a dit par ailleurs : « Ne jugez pas afin de ne pas être jugés ».
Richard Rorty (1931 – 2007), l’un des éminents philosophes pragmatiques américains, auteur de La philosophie et le miroir de la nature soutient qu’au lieu de prétendre parler de vérité, d’y avoir le monopole, de chercher la vérité - même chercher la vérité ne nous intéresse plus, dit-il, car, si nous ouvrons cette porte, mille personnes feront irruption en disant « Euréka ! Euréka ! », ce qui nous poussera à recommencer de nouveau-, Richard Rorty défend qu’au lieu de chercher la vérité, et au lieu de monopoliser la parole au nom de la vérité, il faut débattre. Dialoguons donc ! Telle est la philosophie de cet auteur, ainsi que de Charles Sanders Peirce.
Nous confirmons que le Coran est un Livre formidable sur le dialogue dont le lexique contient plus de trois mille déclinaisons du verbe « Dire ».
Lessing a une citation remarquable dans laquelle il dit: « Si le Seigneur me donne le choix en me disant : Mon serviteur, dans Ma main droite se trouve la vérité, et dans Ma gauche se trouve la recherche diligente et l’amour de la vérité, choisis donc ! Je m’agenouillerais devant Lui et dirais : « Gloire et Majesté à Toi ! La vérité absolue n’appartient qu’à Toi Seul ! Ce qui me sied est de chercher la vérité, de l’aimer, et de la désirer incessamment. Quant à la vérité absolue, elle T’appartient ! »
Telle est l’humilité. L’humilité est une vraie qualité humaine, dont l’opposé est le paganisme. Celui qui n’est pas modeste, qui pense qu’il est tout, du début à la fin, qu’il détient la vérité, celui-là est un païen qui s’auto-divinise d’une manière ou d’une autre. Seul Dieu crée et se passe de l’aide de quiconque, contrairement aux humains qui ne font qu’apporter leur contribution. Quiconque prétend faire autre chose que contribuer, affirmant par exemple que l’Histoire a commencé avec lui (l’histoire de la science, de la philosophie, des technologies, etc.), et prétendant que personne d’autre n’a contribué à l’élaboration de ces domaines, est quelqu’un qui s’auto-divinise. C’est un paganisme intellectuel dans lequel tombent certaines personnes.
Celui qui s’intéresse à la science et aux technologies connaît sûrement la fameuse horloge - probablement la plus fameuse que le génie arabe ait jamais conçue, à savoir l’horloge d’al-Jazrî. Cette horloge a la forme d’un éléphant et remonte au 13ème siècle. Elle témoigne de l’histoire de deux génies, tous deux plus grands l’un que l’autre : d’une part le génie de la prouesse technologique, car cette horloge, d’une technologie complexe, relève la différence minime entre les longueurs des jours tout au long de l’année ; d’autre part, cette horloge témoigne d’un autre génie encore plus grand illustré par sa forme. L’horloge d’al-Jazrî a la forme d’un éléphant, allusion faite à l’Inde. Cet éléphant porte un palanquin arabe, sur lequel est étalé un tapis non-arabe, au-dessus duquel s’assied un caravanier arabe enturbanné. À son tour, le palanquin porte un dragon chinois, lequel porte une machine grecque servant de fontaine. Au-dessus de tout, siège un phénix égyptien.
Quel génie, quelle humilité et quelle reconnaissance ! Je ne crois pas que les Grecs, les Égyptiens, les Perses iraniens, les Indiens ou autres ont envoyé un délégué à ce savant inventeur, qui travaillait au palais de Nûr al-Dîn Mahmûd, pour lui demander de reconnaître leurs apports et contributions. L’humilité nous apprend à reconnaître la vérité et les réalités même lorsque les premiers concernés les négligent.
Au 19ème siècle, Macaulay, l’un des gouverneurs anglais dans le sous-continent indien soutenait dans l’un de ses écrits qu’une seule étagère d’une bibliothèque occidentale - contenant cent ou deux cents ouvrages - équivalait à tout le patrimoine indien: toute la production des hindous, des bouddhistes et des musulmans qui n’y avaient rien apporté prétendait-il. Aujourd’hui, nous constatons que des historiens européens et américains de renommée tiennent un langage tout à fait différent. Peut-être n’ont-ils pas autant de savoir que Macaulay, mais ils sont portés par une plus grande éthique : ils sont humbles et l’humilité les conduit à la vérité. Parmi les derniers scientifiques de cette trempe, il y a Jacques Goody, auteur de L’Orient en Occident et Le vol de l’histoire.
Comparons la parole de Macaulay avec ce que l’écrivain anglais Thomas Carlyle a affirmé dans de multiples articles critiques : « Les racines de notre civilisation occidentale prennent source dans trois fondements : La religion protestante, l’imprimerie et la poudre à canon ». De toute évidence, Carlyle savait que l’imprimerie et la poudre à canon étaient deux inventions chinoises, ce qui signifie que, selon lui, presque trois quarts des fondements de la civilisation occidentale venaient d’Orient, de Chine plus exactement. Deux cents cinquante ans avant Carlyle, Francis Bacon écrivait dans son livre La nouvelle machine - dans lequel il mit les bases de l’empirisme en réponse à la scolastique -, que le développement de la civilisation occidentale trouvait sa source dans trois produits de la civilisation chinoise : l’imprimerie, la poudre à canon et l’aimant. Ce faisait, Bacon attribuait tous les fondements de la civilisation occidentale à l’Orient.
Il semble que le monde soit plus en connexion, plus en échange et en convivialité que ce que veulent nous faire croire certains racistes, certains politiques, certains journalistes et certains ignorants. Il y a plus de coopération entre les différentes parties du monde que ce que nous pensons. Mais, malheureusement, ce ne sont pas ceux qui ont plus de savoir ou de sagesse qui façonnent l’opinion publique dans le monde, mais ceux qui ont le plus d’influence, et ceci est une partie du drame de l’humanité aujourd’hui.
Il n’est du droit de personne de tomber dans l’essentialisation à propos des autres, et c’est ce que nous apprend l’humilité. De nature intolérable, l’essentialisation est une opération difficile mais qui est facile à réfuter. La nature de l’homme et de la société humaine est complexe. Tout ce qui a trait à l’homme est très complexe, sujet d’une essentialisation qui peut facilement être déconstruite. Cette essentialisation s’opère de différentes manières. Le poète palestinien Murîd al- Barghûthî en a subtilement décrit une en disant : « Si tu veux essentialiser l’autre, tu n’as qu’à raconter son histoire, fais-toi l’auteur de l’histoire et commence toujours par la « deuxième » cause du problème au lieu de commencer par la « première ». Ainsi, l’autre sera essentialisé, voire diabolisé ».
Prenons un exemple pour illustrer cela. Si on veut raconter l’histoire du peuple palestinien, et qu’on commence par mettre en évidence les réactions violentes des Palestiniens à l’encontre des Israéliens (attentats suicides, assassinat d’enfants et d’élèves innocents), on aura du Palestinien une image diabolique. Mais si on commence à relater l’histoire comme le ferait un vétéran palestinien - car des Palestiniens qui furent témoins du premier chapitre de leur tragédie subsistent encore (certains ont les clés de leurs maisons et restent sur leurs terres, d’autres, ne désirant pas partir loin de leur terre, vivent en exil, fixant des yeux la Palestine historique, depuis le Liban et la Syrie. Quiconque d’eux commencera par: « Il était une fois un peuple paisible, simple et pacifique. Un colonisateur vint de l’étranger. Il l’en expulsa, le massacra et prit sa place »)-, on obtient un autre point de vue que si on commence par raconter la réaction des Palestiniens face à l’occupation.
La même chose s’applique au cas des Amérindiens. Si l’un d’eux commençait à raconter son histoire, il ferait exactement comme le Palestinien et dirait qu’il faisait partie d’un peuple paisible. Ce peuple a été décrit comme étant un peuple paisible, simple et bon qui ne connaissait pas la violence (ne levant jamais la main, la pire chose que puisse faire un Amérindien est de hausser sa voix). Se produisit l’invasion des Espagnols et des Anglais, et les choses changèrent. Mais si on commence à narrer l’histoire à partir de la réaction des Aborigènes, en parlant de ceux qui rasent leur cuir chevelu - comme sont dépeints les Aborigènes dans les films hollywoodiens (chose qui n’a jamais été avérée)-, le résultat sera autre.
Envisager les choses sous cet angle témoigne d’une sorte d’arrogance qui va à l’encontre de l’humilité. C’est pour cela que l’humilité sauvera la vérité, le monde, nous sauvera et sauvera notre avenir : celui de nos croyances, de nos idées, de nos espoirs, de nos enfants et de tout ce que nous avons de plus cher.
Grâce à cette humilité ouverte, il est possible que la victime d’aujourd’hui soit le sauveur de demain. Sigmund Freud disait que la victime d’hier devenait le bourreau d’aujourd’hui - fait qui s’est réellement avéré -, mais la victime d’hier pourrait également devenir le sauveur d’aujourd’hui… Comment ? L’histoire de l’Inde raconte que lorsque les Babyloniens expulsèrent les juifs de la Palestine historique, ces derniers se dispersèrent dans le monde. Une grande partie s’installa à Babel, mais une minorité s’établit en Inde et y fut bien accueillie. L’Inde leur donna une totale liberté et les laissa vivre comme ils le souhaitaient.
L’histoire chrétienne nous raconte après cela que Saint Thomas (l’un des apôtres, connu pour sa grande suspicion, il n’acquiesçait qu’après moult questions et après avoir animé les doutes à la façon de Descartes) fuit en Inde vers l’année 52 pour préserver sa religion. Il fit échouer son embarcation dans une plage de Faridabad, une des grandes provinces d’Inde. Une fille juive de la minorité juive précitée l’accueillit, le mit en sécurité, le nourrit et s’appropria sa cause. En accueillant Thomas, cette fille, victime d’hier, devint le sauveur d’aujourd’hui. C’est de cette façon aussi que les croyances peuvent être sauvées.
Lorsque les Espagnols expulsèrent les musulmans ainsi que les juifs d’Espagne, ces derniers se réfugièrent auprès de l’Etat Ottoman qui les accueillit et garantit leurs droits. Ils cherchèrent refuge également auprès des pays du Maghreb qui les accueillirent, l’Histoire témoigne de cela. Aujourd’hui, l’Histoire contemporaine témoigne que l’Europe et les USA accueillent les musulmans, certains ayant fui l’autorité de leurs gouverneurs, d’autres étant condamnés à mort ou à la réclusion à perpétuité, etc. Nous en sommes témoins. C’est une chose formidable que trois cent quarante langues cohabitent à Londres ! C’est le meilleur chapitre de la réalité anglaise contemporaine.
J’attire toujours l’attention de mes frères et sœurs musulmans sur cette capacité exceptionnelle d’inclure l’autre. Nous avons besoin de développer cette flexibilité et cette humilité. L’humilité nous apprend à être équitables avec nos sens, de façon à faire usage de notre faculté d’audition pour écouter l’autre, tout comme nous jouissons de notre faculté de parler et de voir… Pourquoi ? Parce que personne ne peut affirmer – sauf s’il est un païen prétendant détenir la vérité absolue – que ses objectifs sont toujours établis sans hésitation. Je ne parle pas au niveau des individus mais à l’échelle d’une culture, d’une société, d’un peuple. En effet, si une telle affirmation ne peut être tenue au niveau individuel, que dire à l’échelle d’une nation ? En vérité, les objectifs ne cessent d’être revus au regard de leur pertinence, principe ô combien important en matière d’éducation.
Cependant, si nous échouions dans la réalisation de nos objectifs, que nous hésitions dans leur établissement, ou que nous attendions de choisir les objectifs adéquats, une seule chose pourrait nous sauver, à savoir l’humilité. Celle-ci nous donne, en effet, l’occasion de poser des questions, de demander des conseils, d’écouter les différents avis, de comparer, et de choisir, à partir de cela, en impliquant les autres. Cela nous sauvera. Mais si nous pensons n’avoir nul besoin de l’autre, toute déviation par rapport à l’objectif, tout manque de clarté peuvent se traduire par un échec sanglant. Cela survient à l’échelle de certains peuples. Il y a des cultures qui se suicident de cette façon.
Ce qui a peut-être inspiré le titre de cette conférence à mon inconscient est qu’il y a une dizaine de jours, j’ai reçu un professeur universitaire octogénaire d’une Université arabe qui m’a fait part de sa déception à propos d’un autre collègue qui, dans la soutenance des diplômes supérieurs, reproche aux étudiants leurs citations d’intellectuels, savants ou philosophes européens ou américains. Ce collègue rentre avec les étudiants dans une vaine polémique, menant ces derniers dans une grande impasse.
Comment ce professeur d’université, d’un certain âge, peut-il justifier ou prouver cette perfection chimérique ? Se suffirait-il à lui-même ? N’aurait-il aucun besoin de connaître d’autres systèmes de pensée, d’autres études ? N’aurait-il donc pas besoin d’écouter, de lire, de découvrir… Comment serait-ce possible ? Cette attitude n’est pas digne d’un académicien respectable. C’est une attitude théologique intolérante digne du Moyen-âge, voire d’avant. La masse adopte de telles attitudes, chose normale puisqu’elle met du temps à changer. Parfois, des siècles entiers passent sans que la perspective globale change. Mais, apparemment, ce n’est malheureusement plus une attitude propre à la masse, car certains académiciens commencent à agir de la sorte. Triste constat, car de telles personnes ne manquent pas d’intelligence ni n’ont besoin de lectures. Par contre, ils ont besoin d’une valeur éthique et spirituelle appelée l’humilité. Ils ne connaissent pas cette vertu et ne l’ont jamais vécue. C’est pour cela que jamais ne leur vient à l’esprit l’idée d’ouvrir un livre étranger pour le lire ou le traduire, car provenant d’une sphère culturelle différente, et ceci est un véritable désastre.
Plus une réalité acquiert une dimension globale, plus il devient difficile de l’employer pour servir des desseins de moindre importance, sauf si on la falsifiait. Je donnerai un exemple pour illustrer mon propos : si un Égyptien adopte une approche crispée de l’identité, ne s’identifiant qu’à l’Egypte, affirmant que ni l’arabité, ni l’islamité, ni l’humanité ne le concernent, il se dit Égyptien et rien de plus. Il ne fait aucun doute que cette réalité présumée, bien essentialisée en vérité - car occultant les autres facettes de son identité – est capable de préparer les gens à une guerre contre la Libye, le Soudan, la Tunisie ou la Palestine par exemple. Cette réalité, dépouillée de ses autres dimensions, peut être employée à hauteur de sa taille : puisque je suis Égyptien, et rien de plus, je peux être, naturellement et de toute évidence, ennemi du Tunisien par exemple, etc…
Mais s’il élargissait son angle d’approche, se définissant comme Égyptien arabe, le fait qu’il soit Égyptien arabe pourrait-il être employé contre les Tunisiens, les Libyens ou les Palestiniens ? Impossible, car il serait Arabe et eux aussi : des frères appelés à s’entraider. S’il élargissait encore sa définition et se disait Égyptien, Arabe et musulman, cette réalité ne pourrait être employée contre les Turques, les Pakistanais ou les Malaisiens, etc. Par contre, elle pourrait toujours être utilisée contre les non-musulmans : les Coptes égyptiens par exemple. C’est pour cela que de telles approches ne me réjouissent pas. Nous avons l’habitude de parler avec un ton fiévreux. Or, notre approche devrait être plus humble, car nous avons des concitoyens d’une autre religion.
Quels points communs peuvent m’unir à ce concitoyen minoritaire ? L’arabité sûrement. Si je considérais un niveau plus large, l’islamité, je m’apercevrais que tous les Arabes ne sont pas musulmans, le cadre de l’islam étant plus large que celui de l’arabité. Mais, si j’élargis encore mon approche, je dirais : « Je suis humain ! ». Le Prophète disait : « Seigneur ! Je témoigne que les humains sont tous des frères ». Nous sommes tous fils d’Adam et d’Eve, des humains. C’est pour cela que de telles réalités, de portée limitée, ne peuvent être utilisées contre la grande réalité « Je suis humain ». Il ne nous reste donc qu’à prendre la main des uns et des autres et à marcher ensemble car nous sommes tous des fils d’Adam.
Quand nous parlons de la complexité et de la multiplicité des valeurs, il nous incombe toujours de signaler cette grande réalité, à savoir que nous sommes des humains, des fils d’Adam. Pour être honnêtes, il faut reconnaître ici une dialectique compliquée : la conception que j’ai de mon humanité est en articulation avec ma culture, dont l’un des piliers est ma religion. Ceci a un certain effet. Mais il m’incombe de revoir le sens que je donne à la religion, la signification de ma conception de ma religion, et le sens qu’acquiert ma religion pour moi, eu égard à mon humanité. C’est un mouvement de va-et-vient incessant qui enrichit et approfondit ma religiosité, de même que la compréhension de mon humanité. J’y gagne à tous les coups, car avec une telle approche je serai plus profond, plus enrichi.
Je me limite à ceci en vous remerciant pour votre bonne écoute, que Dieu vous embrasse de Sa paix, Sa grâce et Ses bénédictions.
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