Au Nom de Dieu, le
Miséricordieux, le Tout-Miséricordieux. Louange à Dieu, et prière et
salutations sur notre Prophète Muhammad sws.
Chers frères, chères
sœurs ! S’adressant à Adam et à Eve, Dieu dit dans la sourate Taha « Qu’il
ne vous fasse pas sortir du Paradis car tu serais malheureux » (Coran,
Tâ- Hâ : 117). A l’opposé du malheur, il y a le bonheur. Le Coran a fait
mention de cette opposition dans d’autres versets: « Certains hommes
seront réprouvés, d’autres bienheureux » (Coran, Hûd :
106) ; « Pour ce qui est des réprouvés (…) Et quant aux
bienheureux… » (Coran, Hûd : 108).
Le Coran emploie un mot
précis comme antonyme du bonheur. Ce n’est pas l’affliction, ni la misère, ni
le désespoir, mais un seul terme qui recouvre toutes ces acceptions : à
savoir le malheur.
C’est pour cela que ce
terme est revenu souvent dans la bouche du Prophète sws. Ainsi, dit-il :
« Œuvrez, à chacun sera facilitée
l’œuvre pour laquelle il a été créé (…). Celui qui fait partie des gens du
bonheur accomplira les œuvres des gens du bonheur, et celui qui fait partie des
damnés commettra les œuvres des gens du malheur »[1].
Il dit aussi : « Il est un
bonheur pour l’homme que de faire la prière de la consultation et d’accepter ce
que Dieu lui a prédestiné. C’est un malheur pour l’homme que de délaisser la
prière de la consultation et de refuser ce que Dieu lui a prédestiné »[2].
Et selon Jâbir, le Prophète sws a dit : « Il est un bonheur pour l’homme que d’avoir une longue vie et d’être
guidé par Dieu vers le repentir »[3].
Il dit par ailleurs: « Il est
trois choses qui font partie du bonheur, et trois choses qui font partie du
malheur »[4].
La religion nous
enseigne que le champ sémantique du terme bonheur est large et renvoie autant
aux plaisirs matériels permis qu’aux plaisirs et joies psychiques et
spirituels. « Dis: «De la grâce de Dieu et de Sa miséricorde, c’est de
cela qu’ils doivent devraient se réjouir. Ceci est bien meilleur que tout
ce qu’ils amassent » (Coran, Yûnus : 58). Aussi, le Prophète sws
a dit que le jeûneur a deux joies comme rapporté par al-Bukhârî et Muslim. De
par Sa justice et Son équité, Dieu a fait de la satisfaction et de la certitude
une source de bonheur et de vie, et a fait de l’insatisfaction et du doute une
source de soucis et de malheur »[5].
C’est ainsi que nous
pouvons appréhender le caractère spirituel du bonheur. Etre heureux signifie
donc être un serviteur reconnaissant, et non pas quelqu’un d’ingrat envers les
bienfaits de Dieu. Car ne pas ressentir les dons que Dieu nous a accordés et
n’y éprouver aucun bonheur constitue une ingratitude.
Le bonheur est donc une
attitude et un état d’esprit qui renseignent sur le degré de perfection de la
foi et de maturité de la spiritualité. Dans une invocation prophétique, le
serviteur dit à son Seigneur : « Je reconnais les bienfaits dont Tu m'as gratifiés, et je reconnais mes
péchés ». En faisant cette invocation, le musulman reconnaît ne pas être digne de ces
larges dons, et admet ne les recevoir que par pure faveur du Donateur et
Généreux.
Malgré la grande
difficulté que nous éprouvons à définir le bonheur, je soutiens que chacun
d’entre nous en a une connaissance globale. Car quiconque en est privé peut
affirmer qu’il n’est pas heureux, quand bien même il serait incapable de dire
comment et par quels moyens il pourrait être heureux.
Le besoin de bonheur
n’est pas un besoin accessoire ou de divertissement, mais un besoin vital.
Aristote considérait le bonheur comme étant l’essence de la vie, le bien
suprême qu’il appela Eudaimonia. Il avançait que les humains aspiraient
au bonheur. Même ceux qui ambitionnent le pouvoir, l’autorité et la mainmise -
en recourant à la torture et à la cruauté-, aspirent en vérité au bonheur, mais
ils échouent dans leur quête du bon chemin qui y mène.
C’est le cas par
exemple de Napoléon. Après toutes les batailles sanglantes, les guerres
acharnées et les expansions, il nous apprend que, même s’il ne s’en rendait pas
compte dès le début, il aspirait au bonheur, et affirme avec douleur qu’il n’a
pas goûté au bonheur un seul instant.
Comme vous le savez, il
y a des milliers de traitements contre la calvitie. Mais, en même temps, il y a
cent-vingt-mille traitements pour soigner la dépression. A cet égard, la
majorité des gens font une erreur - commise auparavant par Sigmund Freud (1856
– 1939) - en prétendant que le bonheur et le malheur sont deux sentiments que
l’on peut représenter par une seule ligne limitée à ses deux extrémités :
moins on est malheureux, plus on devient heureux, et l’inverse. Cette théorie
s’est avérée inexacte car, en vérité, à chaque fois que l’on devient moins
malheureux, on est certes moins malheureux mais pas nécessairement plus
heureux. Le bonheur est donc un terme différent dans l’équation.
Le bonheur est une
expérience positive qui nous rend profonds, qui rend notre sourire plus large
et notre joie plus authentique. Il élargit notre horizon, stimule notre
créativité, augmente notre confiance. Il nous aide à mieux nous ouvrir à la
vie, nous rend plus sociables et plus épanouis. Il est connu que l’enfant rit
trois cents fois au moins par jour, alors que les adultes rient en moyenne une
vingtaine de fois.
Sigmund Freud était
quelqu’un de désespéré et de pessimiste. Concernant le sujet qui nous préoccupe,
il considérait que la recherche du bonheur était une entreprise vouée à
l’échec, motivée par le principe du plaisir, reliquat de l’enfance continuant à
habiter l’être, ne pouvant jamais se réaliser dans la réalité. Il disait :
« On est tenté d’affirmer que l’idée selon laquelle l’homme est appelé à
être heureux n’est pas incluse dans les plans de la création ». C’est pour cela qu’il reconnaissait
que le but de la psychanalyse était de maintenir la « misère
ordinaire ».
Le bonheur est-il à la
fois si important, caché et difficile ? C’est peut-être pour cette raison
que les philosophes, les intellectuels, les écrivains, les poètes, les
religions - qu’elles soient monothéistes ou non- et la psychologie se sont intéressés
et ont traité de la question du bonheur.
La
poétesse irakienne Nâzik al-Malâ’ika a dit :
Nous
cherchâmes le Bonheur mais…
Ne
trouvâmes point sa caverne envoutée
A jamais nous demandons aux nuits de ses
nouvelles….
Alors qu’il
est le secret de la vie et le mystère des temps
Aujourd’hui, il y a
toute une discipline appelée nouvelle science du bonheur dont les
recherches aboutissent à des résultats très intéressants. William James (1842 –
1910), l’un des fondateurs de la psychologie expérimentale et l’un des trois
piliers du pragmatisme, dit : « L’essence de toute religion et de toute
éthique consiste à savoir quel regard nous jetons et quel rapport nous
entretenons avec l’existence et la vie».
Mais qu’est-ce qui
domine aujourd’hui, le bonheur ou le malheur ? Aux USA, les dernières
statistiques rapportent que le nombre de suicides dépasse le nombre le nombre d’assassinats.
Selon l’OMS, la dépression constituera en 2020 la deuxième cause, après les
maladies cardiovasculaires, des « années perdues en incapacité de
travail ».
Pour vous épargner le
suspens, je vous donne le mot de la fin : Le bonheur est dans la foi. Mais
je parle ici du vrai sens de la foi. Non pas la foi théorique des livres, des
prêches, des rites, mais la foi de l’expérience, la foi du droit chemin dont
les étapes sont perpétuellement parcourues. Dieu swt dit dans le saint
Coran : « Si vous recevez de Moi une guidance, celui qui s’y
conformera ne s’égarera pas et ne sera point réprouvé » (Coran, Tâ-
Hâ : 123). Ce verset est une promesse de bonheur ! Dieu swt dit au
début de cette sourate : « Nous ne t’avons pas révélé le Coran
pour que tu sois malheureux » (Coran, Tâ- Hâ : 1).
Les savants évoquent
certaines causes spécifiques à même d’expliquer notre malheur. Nous serions
très sensibles aux côtés négatifs et aigres de la vie. D’un point de vue
sensitif, nous apprécions le sucré d’un aliment même s’il n’y est présent qu’à
un dosage de1/200, tandis que nous
goûtons l’aigre même s’il n’est présent qu’à hauteur de 1/2.000.000. Aussi,
sommes-nous beaucoup plus affectés par nos échecs que par nos réussites.
L’un des savants,
spécialiste dans la résolution des problèmes familiaux et conjugaux, soutient que
pour neutraliser une attitude négative commise par l’un des deux conjoints, il
faut fournir cinq fois plus d’efforts.
Par exemple, si le mari prononce un seul mot qui contrarie sa femme, il lui
faut cinq mots doux pour le contrebalancer et pour que l’eau coule à nouveau
sous les ponts. Une seule phrase négative nécessite cinq phrases positives etc.
Ceci montre la difficulté de rendre la vie conjugale heureuse.
Mais, par la grâce de
Dieu swt, le côté lumineux de l’histoire est que chacun d’entre nous naît muni,
non du désir de bonheur, mais du bonheur lui-même. L’homme commence donc au-dessus
de la moyenne. C’est pour cela que nous voyons que dès que l’enfant commence à
distinguer les visages, il se détourne des visages fades, vides de tout sentiment,
se tourne vers les visages radieux qui rayonnent de sentiments et réagit par
imitation : il répond immédiatement au sourire par un sourire ; puis
après dix mois par exemple, il tire sa langue si la personne lui tire la
langue. Aussi, il aime le goût sucré et répugne l’aigre.
Un autre point positif
est que nous avons la chance d’être munis d’un système appelé « Le système
d’immunité psychologique ». Par exemple : Une femme qui a épousé un
mari qui ronfle pendant son sommeil - chose qui la dérange énormément -, se
consolera en se disant qu’il a un cœur d’or. Un étudiant qui n’a pas réussi à
accéder à une université à laquelle il aspirait, réussira à intégrer une autre
pour laquelle il n’était pas enthousiaste et se dira : « Peut-être
est-ce mieux pour moi. Au moins les débouchés auxquels cette université me
prépare sont plus confortables et me permettront de disposer de plus de temps pour
ma famille ».
Ceci
nous rappelle ce sage poète qui dit en guise de consolation pour sa petite
taille
Si mes os ne sont pas
longs
Mes nobles mérites
les rallongeront
Ainsi je dépasserai
les gens de grande taille
Jusqu’à ce qu’il soit dit que je suis grand
Ainsi, tu peux changer
ton destin, non en changeant ce qui t’était prédestiné, mais en changeant ta
réaction à son égard, car, au final, ton destin est constitué de deux
parties : ce qui t’a été destiné, et ton attitude à son égard.
L’empereur et
philosophe romain Marcus Aurelius (180) disait : « Notre vie est le
produit de nos idées ».
Abû
al- Tayyib al- Mutanabbî a dit:
La peur n’est rien d'autre que
ce que l’on craint
La sécurité n’est rien d'autre que ce que l’on considère
sûr
William Shakespeare a
dit en substance que rien n’est bon en soi et rien n’est mauvais ;
rien n’est beau en soi et rien n’est laid : ce sont nos idées qui
façonnent cela. Les choses sont neutres, mais c’est nous qui leur donnons un
certain sens. Ce que dit Shakespeare est d’une profondeur qui n’est pas facile
à assimiler facilement par tout un chacun.
Dan Gilbert, un
psychologue de Harvard, a posé une question étrange : « Dans un an,
qu’est-ce qui t’aura procuré le plus de bonheur ?? Avoir gagné
quatre-cent millions d’euros, ou avoir subi un accident grave t’ayant cloué
dans une chaise roulante ? ». Il ne fait aucun doute que chacun d’entre
nous répondrait : « Avec quatre cent millions d’euros, le meilleur se
réalisera dans un an, et même dans cent ans ! ». Mais Gilbert nous
surprend en disant : « Faux ! Dans une année, celui qui a gagné
quatre cent millions d’euros et celui qui se déplace en chaise roulante auront
la même expérience du bonheur ». La raison de cela est qu'il est possible
de synthétiser le bonheur à partir des éléments et moyens disponibles s'il y a
une volonté et une conscience positive. Le bonheur est donc de nature
synthétique et émane de l'intérieur.
C'est nous même qui
détenons la capacité de projeter une sensation positive sur un évènement si
nous le voulons. Le Prophète sws n'a-t-il pas dit que Dieu swt éprouve les
gens, et que celui qui agrée cela mérite l'agrément de Dieu, tandis que celui
qui le refuse encourt le courroux de Dieu ?[6].
Combien de fois n'a-t-on pas entendu ce hadith et d'autres hadiths
semblables? La science nous permet
aujourd'hui de les appréhender sous un angle nouveau.
Un jour, le Prophète
sws rendit visite à un vieil homme abattu par la fièvre et lui dit en
guise de consolation: « Que ce soit une purification pour toi, si Dieu le
veut ». Mais le malheureux lui répondit : « C'est plutôt une
fièvre qui brûle un vieil homme, et qui finira par le jeter dans une
tombe ». Le Prophète sws ne put que répondre : « Qu'il en soit
ainsi donc ! »[7].
Il est de notoriété
publique que les savants et les médecins insistent sur le grand rôle que jouent
le bon moral et l'espoir dans la guérison des malades et le rétablissement
rapide. Dans une expérience effectuée sur des patients en période de
convalescence postopératoire, un groupe a été placé dans des chambres dont les
murs ne donnent aucune vue du monde environnant, et un autre groupe a été mis
dans des pièces offrant une vue sur un paysage pittoresque. Les résultats de
l'expérience ont montré que les patients du deuxième groupe ont guéri plus
vite. Un exemple de biophilie est donné ici, à savoir recevoir le monde avec un
esprit d’amour, de fusion et avec un sentiment de proximité et de chaleur.
Celui donc qui se
montre satisfait mérite l'agrément du Seigneur, tandis que celui qui s'en
refuse encourt le courroux divin. « Il en
est parmi les Bédouins qui considèrent ce qu’ils ont dépensé (en aumône prescrite
ou non) comme une charge onéreuse, et qui guettent vos revers de fortune. Qu’ils
en soient eux-mêmes victimes! Dieu est Audient et Omniscient » (al-
Tawba : 98). Ces bédouins donnaient l'aumône en ronchonnant et en étant renfrognés,
méritant pour cela le courroux de Dieu et le malheur, à l'inverse d'un autre
groupe de bédouins : « qui croient en Dieu et au Jour dernier et
qui considèrent ce qu’ils ont dépensé comme autant de moyens de se rapprocher
de Dieu et [d’obtenir] des invocations du Messager. Ces aumônes ne sont-elles
pas un réel un moyen de s’en rapprocher ? Dieu les fera bénéficier de Sa
miséricorde, car Il est Tout de Pardon et de Miséricorde » (al-
Tawba : 99). Ainsi, les deux groupes ont fait des dépenses, mais le
dernier groupe a gagné l'agrément du Seigneur tandis que le premier a récolté
Sa colère.
Le poète Ilya Abû Mâdî
disait :
Ô le plaignant qui ne
souffre d’aucun mal
Que feras-tu quand tu
tomberas malade ?
Il n’y a pas de pires
injustes sur terre
Que ces âmes qui
aspirent au départ avant son terme
Qui voient les épines
des fleurs et s’aveuglent
De voir les bouquets
de rosée qui se forment autour d’elles
Celui dont l’âme est
démunie de beauté
Ne perçoit aucune beauté dans ce monde
Ô toi le plaignant qui en vérité ne
souffre d’aucun mal
Sois
beau, tu t'apercevras que l'univers est beau
Lorsqu’à la fin de sa vie, ‘Abdullâh ibn ‘Abbâs
perdit la vue, il ne pesta pas contre son destin et ne considéra même pas qu’il
était atteint par une calamité. Il dit :
Si Dieu prive mes yeux de leur
lumière
Dans ma langue et mon ouïe il est
une lumière
Mon cœur est intelligent et ma
raison ne souffre d’aucune défaillance
Et dans ma bouche il
y a un tranchant aussi affilé qu’une épée
Pareillement, Bashshâr
ibn Burd, ce poète aveugle, a écrit deux vers magnifiques dans lesquels il
dit :
Fœtus, je fus déjà
aveugle
Mon intelligence
naquit de ma cécité
La lumière de mes
yeux fléchit pour me nourrir de science
Mon cœur la récolte quand les gens la perdent
Un jour, un persifleur le taxa
d'aveugle, Bashshâr lui répondit en disant :
Les ennemis me
dénigrent alors qu'en vérité ce sont eux les tarés
Il n’est point de honte qu’on me taxe d’aveugle
Quand l’homme observe
la bravoure et la piété
Il n’est plus aveugle
même s’il perd la vue des yeux
Je trouve en la cécité récompense, provision et
préservation
Or combien n’ai-je
pas besoin de ces trois choses
C’est
de cette manière que fonctionne le système psychologique immunitaire. Il
réinterprète la catastrophe et la formule en bienfait, comme le dit ce poète
connaisseur de Dieu :
Dieu peut faire don
d’épreuves quand bien même elles sont grandes
Et Il éprouve certaines personnes en les gratifiant
de faveurs
En usant de la même
logique, nous réinterprétons le noble verset : « Le combat vous a
été prescrit alors qu’il vous est désagréable. Or, il se peut que vous ayez de
l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien. Et il se peut que
vous aimiez une chose alors qu’elle vous est mauvaise. C’est Dieu qui sait,
alors que vous ne savez pas » (Coran, al- Baqara : 216).
J'ai dit une fois dans
le cours d'exégèse qu’il est très dangereux d’avoir une confiance totale en soi-même,
que l'on soit un individu ou un groupe. C'est une promesse de calamités s'abattant
sur les autres, voire sur soi-même. Être empreint de ce type de confiance, c'est être convaincu que tout est ficelé d’une façon si parfaite qu’aucune
probabilité d'erreur ne peut être envisagée. De ce type de confiance résulte que parfois les gens s'entretuent, brisent leurs familles, abandonnent les
êtres qui leur sont les plus chers, et prennent des décisions qui, après coup,
s'avèrent folles et égoïstes. Le croyant fort est humble. Le secret de sa force
réside dans son sentiment d'être faible et d’avoir constamment besoin de la
guidance de Dieu. D'où les invocations, la prière de consultation et la
consultation des autres. Le musulman sait que le bien peut être caché, flou ou
se confondre avec le mal, Dieu swt dit :
« Et si Dieu hâtait le malheur des gens avec autant de hâte
qu’ils cherchent le bonheur, le terme de leur vie aurait été décrété »
(Coran, Yûnus : 11).
« Si vous avez de
l’aversion envers elles durant la vie commune, il se peut que vous ayez de
l’aversion pour une chose alors que Dieu aura placé en elle un bien
considérable » (Coran, al- Nisâ' : 19).
Dieu swt nous apprend à
ne pas toujours nous contenter de notre raison et de nos calculs. En effet, nos
calculs sont régis par l’équation du hollandais Daniel Bernoulli (1700 ـ 1782), selon
laquelle : la valeur attendue est égale au produit de (la probabilité de
l’évènement) et de (la valeur de l’évènement). Cette équation est pertinente à
bien des égards :
Prenons un jeu de pile
ou face. Quand on tombe sur « pile », on gagne 10 €. L’avis de la
religion sur le sujet mis à part, miseras-tu 4 € pour jouer ? Selon
l’équation de Bernoulli, la probabilité de gain est de ½, tandis que la valeur
du gain est de 10 €. La valeur attendue est donc de 5€. Puisque la mise n’est
que de 4 €, de toute évidence tu joueras !
D’aucuns prétendent
préférer ce bas monde à l’au-delà, la vie étant une chose garantie et
disponible ici et maintenant, tandis que pour l’au-delà, on ne sait
jamais ! Mais en nous inspirant de l’équation de Bernoulli, nous pouvons questionner
la valeur du confort matériel. Multiplions la valeur du gain, par exemple une
voiture qui coûterait un million d’euros, par la probabilité du gain qu’on
estimera à 100%. La valeur attendue est donc une voiture qui coûte un million
d’euros. A l’inverse, quelle est la valeur attendue de l’au-delà ? Disons
que la probabilité d’existence de l’au-delà est de 50%, qu’on multipliera par
la valeur du gain, à savoir un Paradis éternel. D’un point de vue mathématique
et selon Bernoulli, la valeur attendue ne peut être fixée en se basant
seulement sur la probabilité de l’évènement, sa valeur doit être prise en
compte, et il s’agit ici d’un Paradis d’une valeur infinie.
En outre, on a
mentionné que les systèmes biologiques humains fonctionnaient de manière
fragmentée, et parfois antagoniste. Par exemple, nos gènes n’ont que faire de notre
bonheur ou de notre malheur, ce qui leur importe est de se transmettre à la
génération suivante. C’est pour cela qu’ils nous mènent à goûter au plaisir,
à l’amour, et enfin à une relation durable à travers le mariage. Le problème est
que ces trois éléments ne fonctionnent pas toujours de manière harmonieuse,
dans le sens où il est possible que certains aiment rester époux d’unetelle afin
d’avoir des enfants légitimes avec elle, mais préfèrent en même temps assouvir leur
désir avec une autre, et vivre de manière romantique avec une troisième. Je
suis sûr que celui qui a proposé cette théorie s’est inspiré de Demosthenes
(388 – 322 Av. JC) qui a dit : « Nous prenons des prostituées pour
assouvir notre appétit sexuel, des maitresses pour préserver notre corps, et
des épouses pour nous donner des enfants légitimes ».
Du reste, l’expérience
montre que lorsque l’homme choisit quelque chose et qu’il parvient à la posséder,
l’évaluation qu’il en fait change. On serait tenté de dire : Cela est
normal et participe du fonctionnement du système immunitaire psychologique. Mais
les choses sont plus profondes que cela. En quoi ?
Dans une expérience
classique en psychologique, qui date d’une cinquantaine d’années, il est
demandé aux participants de classer des tableaux par ordre décroissant de
beauté. Puis, il leur est annoncé qu’ils ont droit à un tableau comme cadeau,
qu’ils le recevront par la poste, mais que seuls les troisième et quatrième
tableaux - selon le classement qu’ils ont fait- sont disponibles en stock. La
plupart des participants choisissent le troisième tableau. Après cela, ils sont
séparés en deux groupes : il est dit au premier groupe : « Une
fois votre choix fait, vous n’aurez plus la possibilité de changer
d’avis ». Au deuxième groupe, il sera dit : « Vous avez quatre
jours pour éventuellement changer d’avis et choisir un autre tableau ».
Après cela, il est demandé aux deux groupes de réévaluer les six tableaux
originaux. Les résultats de l’expérience montrent un changement de l’évaluation
effectuée par le premier groupe : le troisième tableau redevient leur préféré,
tandis que rien ne change pour le deuxième groupe. En fait, le système motivant
la production de ce qu’on appelle le bonheur créé n’a pas été
activé dans le cas du deuxième groupe, car les participants n’ont pas encore fait
leur choix.
Il y a quelques années,
Daniel Gilbert réalisa cette expérience sur un groupe de patients souffrant
d’amnésie antérograde. Gilbert demanda à ces patients de classer les tableaux,
ce qu’ils firent, puis il leur dit qu’ils avaient droit au troisième ou au quatrième
tableau et il les remercia en disant qu’ils recevraient le tableau qu’ils avaient
choisi par voie postale. Les expérimentateurs quittèrent la pièce avec leur
matériel. Dix minutes plus tard, ils revenaient dans la pièce d’expérimentation
et, discutant avec les patients, ils remarquaient que ces derniers ne se
rappelaient de rien du tout. L’expérience fut reconduite une deuxième fois, et
ce qui fut surprenant, voire choquant, c’est que le tableau qu’ils avaient
choisi dans la première expérience pour qu’il leur soit envoyé, fut mis à la
tête des choix dans le nouveau classement. Ceci signifie que les patients n’ont
pas consciemment décidé de changer leur évaluation. Ce qui s’est produit est ce
qu’on appelle une réaction affective esthétique.
Cela ne confirme-t-il
pas que le croyant est capable de voir le bien dans toute chose qui lui
arrive ? Et ce, en voyant sous un angle spécifique, denrée rare sauf chez
les croyants, conformément à la parole prophétique : « Etonnant
vraiment est le cas du croyant ! Tout ce qui lui advient est bénéfique et
seul le croyant a ce privilège : quand un bonheur lui arrive, il rend
grâce et ceci est un bien pour lui ; et quand un malheur le frappe, il
s’arme de patience et c'est aussi un bien pour lui »[8] ?
[1] Rapporté par Muslim.
[2] Recensé dans le Musnad d’al-
Bazzâr.
[3] Dans le Musnad d’al- Bazzâr, et
al-Mustadrak d’al-Hâkim,
[4] Rapporté par al-Hâkim
entre autres.
[5]
Rapporté par al- Bayhaqî
dans al- Shu‘ab, al- Tabarânî dans al- Kabîr, al-Hakîm al-
Tirmidhî, et Abû Nu‘aym dans al- Hilya.
[7] Rapporté par al- Bukhârî dans
al- Adab al- Mufrad d'aprés Ibn 'Abbâs.
[8] Rapporté par Ahmad, Muslim, al-
Dârimî et Ibn Hibbân d’après Suhayb.
Bismi Llah
RépondreSupprimerSalam
Excellente analyse du bonheur en Islam.
Le bonheur en Islam est plus qu'un sentiment. Il est une démarche de l'esprit. Celle-ci agit comme un bouclier contre les sentiments qui nous affectent qu'ils soient positifs ou négatifs. Elle est une mise à distance par rapport aux contingences. Elle est donc une hygiène de l'esprit qui prend racine dans la croyance en "le destin" qui n'est pas le "fatum" des Grecs.
Le Coran effectivement nous révèle à juste titre : « Ne vous attristez pas à cause de ce que vous perdez et ne jubilez pas non plus à cause de ce qui vous arrive de bien » (traduction du sens du verset). Le Coran nous dit donc de gardez la tête froide devant l’échec et la réussite, devant la maladie et la santé, l'anonymat et le statut social... qui ne sont que des accidents qui demeurent sans incidences majeures sur le parcourt du véritable "adepte de Dieu" (mowahid). Il nous est donc demander de combattre les émotions quelles soient positives ou négatives : tristesse et joie dans le verset qui nous occupe. Car les émotions quand elles encombrent le cœur nous rendent dépendants des aléas de la vie. Alors qu’Allah veut pour nous l’autonomie : autonomie effectivement vis-à-vis des émotions positives et négatives. Et la personne qui s'affranchit de l’emprise des émotions devient libre au sens coranique, c’est-à-dire qu’elle aura réalisé le « tawhid » et devient ainsi un être unifié/pacifié selon les impératifs de « l’ihsan » (le bel-agir). Elle accède ainsi à la sagesse,matrice sans conteste du bonheur.
Le Coran, de plus, nous met en garde contre « l’espoir » (al’amal à ne pas confondre avec ar’raja -espérance-) qui nous fait emprunter les chemins de traverse. Autrement dit, le musulman ne doit jamais se projeter dans l’avenir au nom d’ambitions incertaines parce qu’il est « le fils de l’instant », instant qu’il doit vivre à fond et selon les impératifs de l'ihsan'. Car, c'est le présent qui enfante l'avenir. De plus, le musulman a la conviction intime que la mort peut frapper à n’importe quel moment. C’est pourquoi il tire parti du moment présent sans hésiter un seul instant. Le bonheur devient, au final, non pas une chasse aux trésors mais une démarche qualitative qui permet d'accéder à plus de performance spirituelle.
Dans cette perspective, le bonheur est loin d’être une émotion, mais bel et bien une démarche de l’esprit, un état de l’âme, c’est-à-dire l’effet direct d’un état supérieur de conscience qui nous inscrit en dehors de toute contingence.
Salam
Najib
Salam. Avec Adnane je redécouvre ma religion et je ne l'en aime et ne m'y attache que plus. Cependant..cependant et je l’écris avec une sincérité non feinte. Le savoir encyclopédique du cheikh n'est pas a mettre en doute sauf que certaines vérités scientifiques manquent de rigueur et il ne devrait pas donner d'armes a ses détracteurs et comme tout érudit une petite touche de modestie et un peu moins "d'arrogance" (je met cela entre parenthèses) envers ceux qu'il contredit ne lui en donnerais que plus de grandeur.
RépondreSupprimerSincèrement: Un vrai fan du cheikh.
La recherche du bonheur est tout à fait difficile. Je pense que la religion est un moyen d'atteindre ce bonheur. Mais je pense que c'est possible avec un peu de patience et de la douceur.
RépondreSupprimer